L’interaction humain-machine en contexte de soins n’est pas à prendre à la légère. La conception déficiente d’appareils médicaux peut causer des erreurs d’utilisation tragiques, et parfois fatales. C’est pour prévenir de tels incidents que la norme IEC 62366-1 sur l’ingénierie d’utilisabilité pour les dispositifs médicaux a été créée. L’équipe d’expérience utilisateur (UX) de NOVO, qui maîtrise bien la méthodologie propre à l’ingénierie d’utilisabilité, en résume ici les principaux volets.
L’objectif : concevoir des produits dont l’utilisation est sécuritaire
La norme IEC 62366-1 est la référence internationale en ce qui a trait à l’ingénierie d’utilisabilité en contexte de développement de produits médicaux. Le terme « facteurs humains » est aussi utilisé pour décrire cette même approche, surtout aux États-Unis, par la Food and Drug Administration (FDA). Autant pour la IEC que pour la FDA, l’objectif est que l’interface utilisateur d’un appareil soit conçue de façon à minimiser les risques d’erreurs d’utilisation. Le processus en lui-même est présenté comme une recommandation, mais le fabricant a l’obligation de fournir une preuve tangible quant à la sécurité de l’utilisation de l’appareil.
Le fait d’appliquer la méthodologie recommandée tout au long du processus de développement du produit augmente les chances de concevoir un produit sécuritaire, et d’ainsi obtenir une certification des instances réglementaires.
L’erreur d’utilisation : le concept central
La norme IEC 62366-1 a été créée à la suite d’incidents majeurs résultant d’une utilisation erronée d’appareils médicaux. Par exemple, des pompes à infusions et des connexions de tubulures ont occasionné des erreurs d’utilisation qui ont causé de graves dommages corporels à des patients, et même le décès de certains.
La norme est ainsi basée sur le principe que les erreurs d’utilisation peuvent être éliminées ou réduites par la mise en application d’un processus de conception itératif centré sur les utilisateurs.

Un courte définition de l’utilisabilité
L’utilisabilité, ou encore l’aptitude à l’utilisation, est le degré selon lequel un produit est utilisé avec succès et satisfaction dans un but précis, par un type d’utilisateur défini et dans un contexte d’utilisation donné.
Pour la norme IEC 62366-1, l’utilisabilité est évaluée selon ces principales dimensions :
L'efficacité
L’efficience (ou le rendement)
Quantité de ressources à mobiliser pour atteindre un but (ex. : le temps nécessaire pour qu’un utilisateur configure correctement une pompe à infusion).
La satisfaction
La facilité d'apprentissage
Elle est liée avec le processus de gestion des risques ISO 14971
Afin de définir ce qu’on peut considérer comme une utilisation sécuritaire, la norme IEC 62366-1 compte sur la norme ISO 14971. Alors que cette dernière porte précisément sur l’application de la gestion du risque appliquée aux appareils médicaux et qu’elle soutient un processus de prise de décision, le processus d’ingénierie d’utilisabilité de la norme IEC 62366-1, lui, s’intéresse plutôt à la conception et au développement.
Des bénéfices, outre la sécurité des utilisateurs
- Meilleure gestion du temps et des coûts de développement
- Documentation conforme et convaincante à soumettre aux instances réglementaires
- Besoins réduits en formation et en soutien technique grâce à une interface plus intuitive
- Augmentation des ventes puisque les utilisateurs sont plus satisfaits
L’interface utilisateur : bien plus que ce qui est affiché à l’écran
En ingénierie d’utilisabilité, le terme « interface utilisateur » comprend tous les moyens d’interaction entre l’utilisateur et le dispositif, qu’ils soient matériels ou logiciels. En plus des interfaces graphiques, cette définition inclut donc tous les aspects formels, le poids, les dimensions, les textures, les sons, etc.
Il est à noter que les instructions et la formation sont aussi considérées comme des composantes de l’interface utilisateur puisqu’elles ont un impact sur l’utilisation.
Un processus nourri par les méthodes d'expérience utilisateur (UX)
Que ce soit afin de définir les besoins des utilisateurs et l’environnement d’utilisation, pour faire l’analyse des risques ou lors d’évaluations formatives et sommatives, les méthodes en expérience utilisateur (UX) recommandées par la norme IEC 62366-1 sont essentielles au processus d’ingénierie d’utilisabilité :
- Entrevues avec des utilisateurs
- Enquêtes contextuelles
- Évaluations heuristiques (ou audit ergonomique)
- Inspections cognitives
- Tests d’utilisabilité
Les évaluations formatives, ou pourquoi il est normal de ne pas arriver directement à un résultat satisfaisant
Selon la norme IEC 62366-1, il est crucial d’adopter une approche itérative, c’est-à-dire de générer plusieurs versions de la solution préalablement à la mise en marché.
Dès qu’un prototype peut être créé, que ce soit une maquette conceptuelle pour une interface graphique ou une maquette volumétrique pour un produit physique, on fait une première évaluation formative. On note les apprentissages, puis on génère une version améliorée du design, qu’on évalue à nouveau.
Typiquement, les premières évaluations formatives n’impliquent pas d’utilisateurs, mais il est avisé de mettre un prototype entre leurs mains plus tôt que tard, c’est-à-dire de procéder rapidement à des tests d’utilisabilité.
Plus le processus de développement approche de la fin, plus les évaluations formatives devraient refléter l’utilisation réelle du produit pour ce qui est de l’environnement de test et des profils d’utilisateurs.

L’évaluation sommative,
ou l’examen final
La norme IEC 62366-1 impose une évaluation sommative, l’étape ultime du processus. Cette évaluation vise à établir une preuve tangible que le produit peut être utilisé de façon sécuritaire.
Pour ce faire, on doit effectuer une simulation d’utilisation de l’appareil médical avec au moins 15 participants de chaque profil.
Par exemple, si un appareil est utilisé par des infirmières et des médecins, on tiendra 30 séances de simulation. Les conditions de ce test doivent se rapprocher le plus possible du contexte réel d’utilisation, notamment pour ce qui est de la formation et de la documentation. De plus, il est recommandé que l’évaluation sommative ne soit pas menée par des personnes directement impliquées dans le processus de développement… qui ne seraient évidemment pas les plus objectives.

Au terme de l’analyse des erreurs d’utilisation effectuées lors d’un tel test, s’il s’avère que le risque résiduel n’est pas acceptable (ce qui relève de la gestion des risques selon ISO 14971), l’évaluation sommative est considérée comme une évaluation formative. Un tel scénario a bien sûr des répercussions majeures sur l’échéancier et les coûts d’un projet, d’où l’importance de mener des évaluations formatives tout au long du processus.
Des pistes pour un processus optimal
- La planification : Comme l’ingénierie d’utilisabilité requiert temps et ressources, il est primordial de la planifier dans l’échéancier et le budget d’un projet.
- L’expertise : Pour générer des résultats valides, les activités de recherche impliquant des utilisateurs doivent être menées selon une méthodologie rigoureuse par des professionnels spécialisés.
- La documentation : Comme pour tout processus relevant de la gestion de la qualité, tout doit être documenté afin de présenter l’ensemble de la démarche et de justifier toutes les décisions de conception liées à la sécurité.
- L'agilité : En lien avec l’aspect itératif du processus, il est important de faire preuve d’ouverture et d’agilité et d’accepter qu’il faudra adapter la solution au fur et à mesure des apprentissages réalisés lors des évaluations formatives.
- La collaboration : On a intérêt à ce que l’ensemble des membres de l’équipe de conception soit sensibilisé à la cause. L’utilisabilité, c’est l’affaire de tous, de près ou de loin!

Rédigé par Mireille Martin
Expérience utilisateur (UX) chez NOVO