Comme les dispositifs médicaux sont soumis à une réglementation stricte en raison de l’impact qu’ils peuvent avoir sur la santé des gens, leur processus de conception se doit d’être effectué selon les meilleures pratiques. Depuis chaque détail du contexte d’utilisation jusqu’à toute erreur d’utilisation possible, les méthodes UX viennent nourrir ce processus, comme le recommande la norme sur l’ingénierie d’utilisabilité des appareils médicaux, IEC-62366-1. Voici en bref cinq de ces méthodes.

1. Les entrevues avec des utilisateurs
Lors de la phase initiale du projet, afin de définir les spécifications d’utilisation, on se doit d’aller chercher un maximum d’informations sur chacun des profils d’utilisateurs. Les entrevues individuelles, que ce soit avec des patients, des médecins, des infirmières, des pharmaciens ou autres professionnels de la santé, sont à privilégier, car elles nous éclairent sur les motivations, sur les défis, sur les styles d’apprentissages et sur les schémas mentaux du profil en question.

Aussi pour les spécifications d’utilisation, il est primordial d’investiguer ce qu’il en est de l’environnement d’utilisation. Les contraintes résultantes seront variables selon qu’il s’agisse d’une unité de soins intensifs, d’une salle d’opération, d’un bureau de consultation, d’une ambulance, etc. En effectuant des entrevues avec des utilisateurs sur leurs lieux de travail, on obtient de précieuses informations à cet effet.
2. L'analyse de tâche
Afin de procéder de façon systématique à l’identification des caractéristiques de l’interface utilisateur liées à la sécurité ainsi qu’aux erreurs d’utilisation potentielles, l’analyse de tâche est la méthode préconisée. Soulignons que dans un contexte d’ingénierie d’utilisabilité, l’interface utilisateur comprend non seulement l’interface graphique, mais aussi la configuration physique du dispositif (forme, dimensions, poids, texture, etc.), la documentation, la formation; bref, toute composante qui joue un rôle dans l’interaction entre la personne et le dispositif.
À partir de l’intention de l’utilisateur (ex.: administrer un médicament intraveineux), on définit une tâche (ex.: préparer l’appareil), qui est chacune divisée en sous-tâches (ex.: configurer le dosage) puis en étapes, le tout de façon séquentielle. Afin de rendre l’exercice encore plus systématique, on peut associer à chaque étape les trois types d’interaction, soit la Perception, la Cognition et l’Action. Cette méthode est connue sous le terme analyse PCA.
Exemple de tableau d’analyse PCA
Étape de la tâche | Composante PCA | Erreur d'utilisation | Conséquence | Spécification de conception |
---|---|---|---|---|
Activer l’arrêt d’urgence | Perception: Visibilité du bouton | L’utilisateur ne voit pas le bouton, qui ne se démarque pas visuellement de l’interface globale. | L’utilisateur n’active pas l’arrêt d’urgence alors que la situation le demande. | Le bouton doit être rouge sur un fond jaune, comme prescrit par la norme ISO 13850: 2015. |
Cognition: Compréhension de l’effet du bouton | L’utilisateur est incertain de l’effet du bouton. | Le texte «arrêt d’urgence» doit être apposé au bouton. | ||
Action: Appuyer sur un bouton | Le bouton est situé haut, et est ainsi inaccessible pour un utilisateur de petite taille | Le bouton doit être positionné à une hauteur maximale de 150 cm |
Afin d’identifier les erreurs d’utilisation possibles à chacune des interactions, on prendra en considération les facteurs identifiés dans les spécifications d’utilisation. Par exemple, si l’environnement d’utilisation est bruyant, il faudra envisager la possibilité que l’opérateur n’entende pas une alarme sonore. Ou encore, si l’infirmière qui utilise un appareil est fatiguée car elle travaille de nuit à la fin d’un long quart de travail, il se pourrait qu’elle fasse une lecture erronée d’une donnée.
L’analyse de tâche, ainsi que l’identification des erreurs d’utilisation, viendront nourrir les spécifications de l’interface utilisateur, aussi appelées requis de conception.
3. Le maquettage et le prototypage



4. Les évaluations expertes
Les spécialistes en UX comptent quelques cordes à leur arc afin d’évaluer l’utilisabilité d’un dispositif médical sans impliquer les utilisateurs: l’évaluation heuristique ainsi que l’inspection cognitive. La première consiste à analyser méthodiquement l’interface graphique d’un système, page par page, en fonction d’une série de critères établis, dits heuristiques. Plusieurs séries de critères reconnus peuvent structurer une telle analyse, dont les critères ergonomiques de Bastien et Scapin et les heuristiques d’utilisabilité de Nielsen.
Les 10 heuristiques d'utilisabilité de Nielsen
- La visibilité de statut du système
- La correspondance entre le système et le monde réel
- La liberté de contrôle de l'utilisateur
- La consistance et la normalisation
- La prévention contre les erreurs
- La reconnaissance plutôt que le rappel
- La flexibilité et l'efficience d'utilisation
- Le design esthétique et minimaliste
- Les fonctions d'aide (reconnaissance, diagnostic et récupération d'erreurs)
- L'aide et la documentation
5. Les tests utilisateurs

Références
- Lallemand, C., Méthodes de design UX, Groupe Eyrolles, 2018.
- IEC 62-62366-1: 2015 Application of usability engineering to medical devices
- IEC 62-62366-2: 2016 Guidance on the application of usability engineering to medical devices
- https://www.nngroup.com/articles/task-analysis/
- https://www.nngroup.com/articles/ten-usability-heuristics/